Sunday Bloody Sunday [feat Leonora]

Un murmure suave, c'est tout ce qu'il avait suffi. A peine plus d'un souffle pour faire bouger une plume duveteuse, un souffle de bébé vraiment. Un effleurement délicat de mon doigt contre sa peau, et le monde avait éclaté en des milliers d'éclats tranchants. Une glace que l'on fracasse brutalement, et aucun retour en arrière possible.

Je pense que le mortel dira plus tard que le coup est parti tout seul, qu'il ne sait pas ce qui lui a pris. Il ne dupera personne, pas moi et certainement pas lui-même. Je n'ai rien ajouté, rien insinué d'étranger en lui, j'ai juste caressé dans le sens du poil la bête hirsute qu'il tentait vaguement de contenir. Rage, peine, peur, incompréhension, peu importe, tout cela est bien à lui. Je n'ai rien rajouté, j'ai juste donné un petit coup de pouce mais c'est de son plein gré qu'il a chuté. Le coup est parti tout seul, rien qui n'aurait dû être létal mais c'est lui qui a visé l'oeil.

Fumée, sang. Un instant, le silence et puis tout éclate. Les cris de rage, une pierre vole et rebondit contre un des boucliers de plastique et le chaos se déverse et dévore tout sous son passage. Je savoure la fumée qui s'empare de ma gorge, parfum plus délicieux que toutes les effluves de sacrifices qui me sont parvenus au cours des siècles. Celui du sang et des larmes n'est pas encore bien fort mais il ne saurait tarder à s'accentuer. Peur et colère, on court, on tire on blesse sans savoir si c'est un ami ou un ennemi qui tombe, qu'importe cela ne fait que nourrir un feu aveugle dans leurs poitrine.

Je ris doucement en marchant au milieu de mon oeuvre, presque inconsciemment la foule s'écarte sur mon passage alors que j'avive leurs étincelles, la fait devenir brasier dévorant. J'ai l'habitude, je suis celle qui fait rugir au milieu des batailles, celle qui les déclenche et leur donne de quoi se consumer. Distraitement je marche sur un corps inanimé au sol, un flaque rouge se forme contre l'asphalte au niveau de sa tempe, ses yeux sont conscients et grands ouverts, mais ils ne voient rien trop remplis de terreur. Je m'arrête un moment et m'accroupi à ses côtés, sans me soucier du devenir de ma robe immaculée. Nos regards se croisent et je lui souri. Un sourire carnassier qui fait passer sa terreur à un autre niveau, quelque chose de primordial qui lui hurle de partir, de disparaître, mais il en est incapable.