Leonora Manolis Feat Lily James : Call me Doctor !

Je suis née au mois de juillet, il faisait chaud, les oiseaux gazouillaient…mouais…en fait c’était la canicule et ma mère m’a eu en avance car la chaleur insoutenable a provoqué le travail à deux semaines avant le terme. Elle m’a rejettée durant les premiers jours, les médecins ont dit à mon père que son accouchement avait été un tel traumatisme pour elle qu’elle n’arrivait pas à s’identifier en tant que mère. Autant dire que mes débuts dans la vie n’ont pas été sous les meilleurs hospices, de toutes manières ma mère n’a jamais été une mère très aimante, j’étais son troisième enfant après mes deux frères ainés, les jumeaux Yiannis et Loukas, et elle s’occupait plus de sa carrière d’animatrice de talkshow que sa progéniture, nous avons été élevés par des nurses, anglaises bien entendu. La situation ne s’est pas arrangée quand Adrianós a pointé le bout de son nez deux ans après moi. Ma mère n’était pas une mauvaise mère, elle nous aimait, mais elle n’avait juste « pas le temps pour ça ». Mon père par contre, lui, était très présent. J’ai eu un papa formidable et je dois avouer qu’il me traitait comme une petite princesse, seule fille dans une fratrie de quatre, un lien particulier s’est tissé dès ma naissance vu qu’il a dû assumer le petit bébé que j’étais durant les deux mois de la dépression post-partum de ma mère. C’est de lui que j’ai dès toute petite reçu mon goût pour la médecine, quand on me demandait ce que je voulais faire plus tard je répondais toujours « sauver des vies comme mon papa, tu sais il est docteur mon papa !! ». Mouais…Sauver des vies…Mon père sauvait surtout les poitrines et les nez de ses patientes, mais à 6 ans, on s’en fiche de ces détails. Il était tout de même mon héros, un homme parfait, gentil, drôle, toujours le premier à inventer des bêtises qu’on faisait tous les quatre et qui faisaient enrager ma mère quand elle était là et pas retenue sur un plateau. Je n’ai jamais manqué de rien, j’étais ce que l’ont pourrait qualifiée de pourrie gâtée, les meilleures écoles, j’obtenais tout ce que je pouvais vouloir, surtout auprès de ma mère qui tentait de combler le vide par ce qui pour elle était une formation pour mon avenir : savoir s’habiller, savoir se maquiller pour par la suite séduire les meilleurs partis…Mouais…ça n’a pas été une réussite ça ! Après avoir eu mon bac à 17 ans, un an à l’avance car j’avais sauté une classe de primaire, j’ai informé mes parents que je voulais faire médecine. Mon père était tellement fier, ma mère a soupiré, elle me voyait sûrement continuer à jouer à la poupée mais sur ma propre personne et non pas revêtir une blouse blanche, mais elle commenta d’un « il y a de beaux partis chez les médecins, regardes ton père par exemple », je fis comme si je n’avais pas entendu. Mon père m’avait offert un voyage dans les plus grandes villes d’Europe pour mon dernier été de liberté car il savait tout comme moi que je passerais à présent tout mon temps à étudier et que ce serait dur. Je suis donc partie avec trois amies pour un voyage qui allait durer tout l’été et qui à a fait passer par Rome, Madrid, Paris, Amsterdam et pour finir Londres. Londres. Je suis immédiatement tombée folle amoureuse de cette mégalopole, tellement cosmopolite, chargée d’histoire. J’aimais tout de cette ville, ses parcs, ses monuments, ses magasins, ses cafés et restaurants, je m’y sentais bizarrement comme chez moi, comme si j’y avais toujours vécu, et, si je n’avais pas eu mes projets professionnels, j’aurais pu tout quitter pour m’y installer tellement le coup de foudre pour la capitale anglaise m’avait pris de court. Un soir, je rentrais à mon hôtel avec mes amies quand soudain, l’une d’elle entra dans une ruelle un peu sombre car elle ne trouvait plus son briquet et avait vu un groupe de jeunes qui fumaient une clope avant d’entrer dans une boite. On s’est alors approchés d’eux, et, comme je n’appréciais pas à l’époque l’odeur du tabac, je me suis tenue un peu en retrait en m’éloignant de quelques mètres tout en les gardant dans mon champ de vision. Soudain, je me suis sentie mal, perdue, triste mais également apeurée, je ne sais comment je m’étais retrouvée devant une vieille maison qui semblait avoir été détruite par les flammes. Je n’ai pas senti les larmes couler, j’ai juste entendu un cri horrible, déchirant, je me suis laissée tomber au sol et me suis mise en position fœtale, je voulais que ces cris cessent, qu’on me vienne en aide, je suffoquais. Mes amies et les jeunes ont couru à moi, aucun ne comprenant pourquoi j’étais soudain en train de hurler comme si je souffrais terriblement. Ils ont d’abord cru que je m’étais blessée ou qu’on m’avait agressée mais après avoir vérifié que je n’avais aucune blessure, ils m’ont emmené hors de la ruelle. Je leur ai dit que j’avais entendu un cri, un cri si terrible…Ils m’ont tous dit que j’étais seule quand ils m’ont vue et que c’était moi qui m’étais mise à hurler à la mort. J’étais choquée, je ne comprenais pas comment je ne pouvais pas m’en rappeler, comme si ce n’était pas moi qui l’avais fait. Le groupe de garçons nous ramena à notre hôtel qui était non loin de là, ils ne voulaient pas nous laisser tant qu’ils n’étaient pas certains que j’allais bien. Ils nous ont invités à une fête que l’un de leurs amis organisaient le lendemain soir, je n’avais pas envie d’y aller mais les filles m’ont convaincue, nous avons donc accepté de nous y rendre. Si j’avais su à ce moment là … Oui, si j’avais su que j’allais le rencontrer, je ne serais jamais allée à cette soirée. Mais j’y suis allée, c’était un manoir en plein Mayfair, il régnait une ambiance de folie dans tout l’édifice de type victorien. Soudain, deux yeux noirs ont accroché les miens. Je n’ai pas su si c’était lui qui s’était approché ou bien moi, mais j’étais captivée. Il était grand, athlétique, blond, j’ai passé toute la soirée avec lui. Lui, Edmund. Il avait 20 ans, il savait parler aux femmes, car oui, pour lui à 18 ans (même si cela ne faisait que 3 semaines que je les avais fêtés), j’étais une femme. Tsss, jeune et stupide Leonora, je suis tombée dans le panneau. Mes amies sont rentrées sans moi, je suis restée une semaine de plus, il m’était devenu impossible de me séparer de lui, j’étais amoureuse et j’ai appelé mes parents pour leur dire que je voulais faire ma médecine à Londres. Ma mère a hurlé, mon père a pris ça plus rationnellement en me disant qu’il était déçu que je ne fasse pas mes études à Athènes mais qu’il comprenait mon besoin d’indépendance et qu’à présent j’étais majeure et que je pouvais faire ce que je pensais être le mieux pour moi. Il me conseilla The Imperial College of London. Je m’installais avec Edmund dans l’appartement que ses parents lui avaient acheté, il ne travaillait pas mais avait des goûts de luxe, il était selon lui une star en devenir, LE meilleur DJ que Londres n’aurait jamais. Il me faisait rire, j’aimais son petit grain de folie. Mon père, appuyé par les parents de mon petit ami, Mr and Mrs Darcy, a réussi à me faire entrer dans cet établissement prestigieux, en envoyant bien entendu un très joli chèque en tant que généreux donateur d’une future élève. La vie avec Edmund était merveilleuse, on faisait l’amour nuit et jour quand je n’étais pas en cours, le soir quand je n’avais pas d’examens à réviser, j’allais le voir faire ses sets dans les clubs les plus branchés de la ville, j’en avais plein les yeux. Mais par contre, j’étais studieuse, quand j’étais en mode étudiante je ne me laissais pas déconcentrer et je passais de longues heures et même des nuits entières à travailler, ce qui n’était pas du goût d’Edmund. Lui, il était né avec une cuillère en argent dans la bouche, ses parents faisaient parti depuis des générations de la haute bourgeoisie londonienne tandis que la mienne, bien qu’elle soit fortunée à présent a dû construire sa réussite pierre par pierre. Mon père m’avait transmis cela tout comme son père avant lui l’avait fait car il venait d’une famille très modeste. Du coup, il arrivait qu’Edmund et moi on se dispute, il me disait que je n’étais qu’une petite fille qui ne comprenait pas la vie des adultes, que je ne connaissais que les études, l’école, que je ne savais rien de la vie réelle. La plupart du temps, il quittait l’appartement en claquant la porte et passait la nuit dehors, il revenait au petit matin avec des fleurs et des croissants, je l’aimais et son petit air de chien battu me faisait toujours fondre. Il m’a trompée lors d’une de ces nuits de débauche, je l’ai su plusieurs mois plus tard quand la fille est venue taper à notre porte, je n’ai pas voulu la croire mais au plus profond de moi, je savais, mais je ne voulais rien voir, Edmund m’aimait, pourquoi m’aurait il trompée ? Cette fille ne pouvait être qu’une menteuse ! Elle m’a crié à travers la porte qu’elle aussi, avant, elle était le tout d’Edmund et qu’elle le récupèrerait. Je l’ai dit à Edmund quand il est rentré, il m’a dit que cette fille n’était qu’une mythomane, qu’il commençait à être connu et qu’elle devait être une de ces groupies hystériques qui se croient dans une relation avec leur star. Je l’ai cru, je n’aurais pas dû. Les années ont passé, Edmund et moi nous nous sommes séparés plusieurs fois, j’ai même fini par prendre mon propre appartement qu’il considérait comme le sien à présent car il s’y était installé, sans même me demander mon avis. Mes amies à Londres et à Athènes se sont mis à s’inquiéter pour moi, selon eux, Edmund faisait de moi ce qu’il voulait, qu’il était toxique, qu’il me tirait vers le bas. Je ne les croyais pas mais je savais en mon for intérieur quand même qu’ils n’avaient pas tout à fait tort. J’ai terminé mes études en Grèce à partir de la huitième année car mon grand-père était très malade et je voulais être près de lui, être loin était terrible pour moi car je m’inquiétais tellement pour lui que je n’en dormais plus la nuit. Edmund a suivi avec mes bagages. Il s’est installé chez nous, mon père ne l’aimait pas beaucoup mais il savait que je l’aimais alors il s’est adapté. Ma mère par contre est tombée instantanément sous son charme, allant même jusqu’à me dire que si elle avait eu mon âge, elle se serait bien laissée tenter par mon bel anglais, je ne relevais pas, j’avais appris avec le temps à ne plus relever les idioties qu’elle pouvait sortir quand elle le voulait. C’est cette année là qu’il m’a demandée en mariage, ma mère était ravie, les parents d’Edmund également, mon père se contenta de sourire et de m’embrasser sur le front. Moi, Leonora Manolis j’allais me marier, je n’y croyais pas, j’étais si heureuse. Puis, l’horrible chose arriva.
La fille qui s’était présentée chez nous à Londres a refait surface et cet fois ci avec un petit garçon avec elle qu’elle nous présenta comme son fils et également celui de mon fiancé.
Edmund voulu la chasser mais je le retenais, ce petit garçon, il était le portrait craché de son père, ce père qui n’était autre que celui à qui j’allais dire oui pour la vie. J’entrais dans une colère folle, faisais sortir la mère et l’enfant, montait dans la chambre et m’y enfermais. Je ressortis alors mon album de petite fille, celui où j’avais collé des photos découpées de robes de mariées, de grandes maisons où je vivrais heureuse avec mes enfants et mon mari.  Tout ceci n’était qu’un beau rêve. J’ai attrapé mon téléphone et ai tout annulé auprès de l’organisatrice du mariage. C’était fini, il m’en avait trop fait, à présent, j’ouvrais enfin les yeux sur lui, il n’était qu’un pervers narcissique qui s’aimait lui-même à travers moi. Je quittais la maison familiale après avoir dit au revoir à mon père, ma mère n’était pas là, sûrement encore à l’une de ses stupides enregistrements, j’allais m’installer chez ma meilleure amie Ophelia. J’ai terminé mes études, Edmund a maintes fois essayé de revenir durant les six mois suivants mais j’ai tenu bon et ne suis pas retournée en arrière. J’ai pris un appartement, pas très grand mais que j’aime, j’y vis avec Mister Posh, mon chat, seul vestige de ma relation avec Edmund, je l’aime tant, même si c’est mon ex fiancé qui me l’a offert. Je travaille à présent comme médecin urgentiste dans le meilleur des hôpitaux de la ville, cela fait cinq ans que j’ai enfin pris mon envol, ma rupture avec Edmund m’a en quelque sorte libérée et révélée ce que je voulais faire de ma vie : vivre selon mes choix, comme je l’entends sans rien devoir à personne. Les hommes, ils passent, j’ai eu quelques histoires mais rien de sérieux, j’ai un peu peur d’eux, je ne crois pas que je suis prête à retomber amoureuse.